Ce vendredi 1er mars, nous entrons dans cet état
limitrophe du Texas. Ce devait être un temps fort de notre voyage retour vers
le bateau et ce le sera, du fait de la présence française qu’on ressent encore
dans le pays Cajun et du fait de la joyeuse Nouvelle Orléans, capitale de la
fête aux USA.
Cet état est aujourd’hui au 33ème rang en
superficie, c’est dire que son territoire s’est réduit comme une peau de
chagrin puisqu’en 1682 René Robert Cavelier, sieur de la Salle descendit le
Mississipi depuis les grands lacs et nomma toutes les régions traversées
Louisiane en l’honneur de son souverain Louis XIV. En 1718, avec la fondation de la Nouvelle
Orléans, les immigrés français s’y installent bientôt rejoints par les acadiens
dont je vous ai raconté l’histoire lors de notre passage aux Provinces
maritimes. Le mot Cajun venant d’une déformation du mot acadien.
Malheureusement pour la France, Napoléon vendit ce territoire aux américains en
1803 qui doublèrent d’un coup la superficie de leur territoire.
Ici, on ne parle plus de county (comté), équivalent de nos
cantons, mais de parish (paroisse), c’est dire aussi de la différence existant
avec les autres états. On retrouve ensuite les régions, nous ne visiterons que
le pays cajun qui va de l’état du Texas au Mississipi, et la région de la
Nouvelle Orléans qui va du Mississipi à l’état du même nom à l’est.
Avant d’y venir, on avait une image de marécages, de cours
d’eau et du jazz à la Nouvelle Orléans, on ne se trompait pas beaucoup car
l’eau y est omniprésente mais l’agriculture également avec le coton plus au
nord, le riz et la canne à sucre dans le pays cajun. C’est donc dans ce paysage
que nous commençons par un State Park à Lake Charles, il borde en effet un
bayou (rivière à faible courant ou stagnante) qui alimente de nombreuses mares
où pousse l’arbre emblématique de cet état : le cyprès chauve.
Cependant, l’immersion véritable en pays cajun commencera à
Eunice. Tous les samedi soir en effet s’y déroule un concert de musique cajun
(violon, triangle, guimbarde et accordéon) et zydeco plus rythth’n’blues avec
guitare, batterie, cuivres et piano. Manque de chance, ce soir-là c’était
soirée country, on a quand même passé un bon moment.
De plus étant en pleine
région de production d’écrevisses, on en profita pour s’en faire une orgie au
resto d’à côté : 3 livres chacun pour un peu plus de 10 euros !
Ici les écrevisses sont une culture complémentaire du riz,
c’est très étonnant. La région étant très plate et les terres n’absorbant pas
l’eau, les champs sont inondés après la récolte de riz et ensemencés de
naissain d’écrevisses qui grandiront en se nourrissant des résidus de riz,
elles seront à maturité en mars-avril. La production est conséquente pour cette
région et on en trouve en vente partout.
Route ensuite vers la capitale de cette région :
Lafayette où une antenne des National Park présente une très belle
reconstitution historique des Acadiens, leur vie de tous les jours avec des
panneaux en français et un très beau film retraçant leur exil.
Nous y ferons
aussi connaissance d’un couple de québécois très sympathiques, Claudie et Jean
qui sont déjà venus à Concarneau voir Claude Michel notre chanteuse locale qui
avait donné un concert dans leur localité du bord du St Laurent. Le courant
passa naturellement très bien et nous nous retrouverons le soir même pour dîner
et écouter de la musique cajun et zydeco cette fois.
Retour en pleine nature à Pont Breaux au lac Martin où nous
retrouvons les alligators abandonnés l’année passée en Floride ainsi qu’une foule
d’aigrettes et de spatules roses perchées dans les arbres baignant dans l’eau,
les fameux cyprès chauve.
Passage ensuite à St Martinville au bord du bayou Teche
patrie d’Evangéline, d’après le très célèbre roman d’Henry Longfellow, elle
retrouva son amour Gabriel au pied du chêne deuxième plus vieux d’Amérique
après leur séparation de trois ans due au Grand Dérangement, malheureusement il
était atteint de la lèpre et décéda dans ses bras, plus romantique tu
meurs !
L’église est une des plus anciennes de Louisiane (1765) et oh
surprise, un de ses premiers curés était né à Pontivy. La Bretagne se retrouve
partout.
Nous traverserons ensuite une région où la culture de la
canne à sucre est omniprésente, malheureusement pour nous qui n’avons plus de
rhum antillais pour nos ti-punch, ils n’en produisent pas. On doit se contenter
du médiocre rhum porto-ricain.
La région de la Nouvelle Orléans est elle aussi baignée par
les eaux puisque le Mississipi la traverse avant de se jeter par un delta dans
le Golfe du Mexique, son port se classe parmi les dix plus importants au monde,
c’est dire l’importance de cette voie navigable. Un immense plan d’eau, le lac
Pontchartrain borde la ville au nord et malheureusement les levées qui étaient
censées protéger les zones habitées ne furent pas assez fortes en 2005 lors du
cyclone Katrina et c’est cette partie de la ville, en fait les quartiers
pauvres qui furent sinistrés. On voit maintenant qu’elles ont été renforcées,
bétonnées avec d’énormes portes étanches, ouvrages impressionnants.
Malgré tout, la bonne humeur règne ici et la musique est
omniprésente dans le quartier français et les alentours, le jazz y est né, son
carnaval y est aussi couru que celui de Venise ou de Rio et tous les prétextes
sont bons pour faire la fête, lors de notre passage les irlandais fêtaient la
St Patrick avec 10 jours d’avance et la bière coulait à flot.
Dans ce French Quarter, on se croirait arrivé dans certains
quartiers des Antilles ou de La Havane tellement les créoles et les espagnols
ont imprimé leur marque.
On a pu ressentir l’histoire et une partie de l’âme de
cette ville grâce à une visite guidée en français retraçant l’histoire d’une
riche famille créole, les Duparc-Locoul originaires de Normandie et du Médoc,
possédant la célèbre plantation Laura et des maisons en ville avec des patios
très agréables qu’on a pu visiter.
Bien évidemment, la langue française a pratiquement disparu.
On la retrouve sur les panneaux des rues et les noms de villages et lieux-dits.
Malgré tout beaucoup de gens d’un certain âge parlent encore français en pays
cajun et des associations comme le Codofil à Lafayette s’efforcent de le
perpétuer. La devise de cette région est : « Laisse les bons temps
rouler » et on y adhère pleinement.