Nous quittons l’Utah pour le Colorado le 13 septembre, de
Moab on descend plein sud puis à Monticello on va vers l’est en direction de
Cortez, toutes ces contrées sont désertiques, de longues lignes droites coupant
des collines, la seule végétation est toujours la sage brush avec de temps en
temps quelques touches jaunes données par la rabbit brush. Par contre quelques
miles avant Cortez sitôt franchie la frontière du Colorado, on retrouve du
vert, de l’herbe, quelques pièces d’eau et des troupeaux de bovins, les fameux
« Angus » qui donnent une viande si tendre.
Au loin une chaîne de montagne se profile, vu la direction
on se doute que c’est l’Ute Mountain dont la partie est abrite le Mesa Verde
National Park. Nous y pénétrons par le nord grâce à sa seule route d’accès qui
nous fait gravir d’un coup à plus de 2000m. La découverte et l’histoire de ce
lieu est assez singulière.
En 1888 deux cow-boys à la recherche de leurs bêtes égarées
découvraient « Cliff Palace », « Spruce Tree House » et
« Square Tower House », trois villages semi troglodytiques à flanc de
falaise protégés par un surplomb rocheux les abritant des intempéries.
Regardez
les photos, c’est très particulier. Par la suite des archéologues en
découvriront d’autres ainsi que des sites beaucoup moins élaborés sur le
plateau même remontant au Vème siècle. Ils ont pu ainsi retracer l’histoire de
ces tribus indiennes et l’évolution qui les a conduit vers le XIIème siècle à
construire ces cités surplombant les canyons.
Un certain mystère demeure quant à la disparition de ses
habitants car les archéologues ne découvrirent aucun squelette sur place, tout
ce qui est nécessaire à la vie quotidienne avait disparu. Il y a donc eu un
exode massif vers d’autres contrées, les dernières explications penchent pour un
manque de précipitations vers 1276 entraînant progressivement le tarissement des cours d’eau qui les
obligea à émigrer vers le sud et l’ouest. La visite de ces sites fut très
intéressante et un peu « sportive » car l’accès ne se fait que par
des échelles.
Route ensuite vers l’ouest, à nouveau un petit crochet dans
l’Utah pour découvrir la « Valley of the Gods » peu avant Mexican
Hat.
Les informations sur cette piste serpentant entre des formations rocheuses
dignes des meilleurs westerns étaient assez contradictoires, pour certains un
véhicule 4x4 étant même nécessaire. Heureusement Hervé est assez haut sur
pattes et nous risquons le coup, au début c’est une piste un peu comme on en a
déjà pris aux provinces maritimes canadiennes avec beaucoup de poussière, après
quelques kilomètres on franchit des gués heureusement à sec, il n’y aura qu’un
passage difficile où un certain élan nous permettra de passer malgré le bas du
support vélo qui raclera quelque peu le sol. Mais quel spectacle pendant plus
d’une heure, car on progresse très lentement, on admirera le long travail de
l’érosion sur ces fabuleux rochers, le tout dans ces couleurs rouge ocre si
caractéristiques. Le petit plus étant que les voitures à faire ce circuit ne
sont pas légion et le sentiment d’isolement est assez prenant.
Sentiment qui est totalement absent de Monument Valley, là
des cars et des cars déversent des foules de visiteurs qui embarquent à la
queue leu leu dans des picks-ups conduits par des Navajos, on est ici dans une
réserve indienne. Après ce que nous avons vécu le matin même avec notre propre
véhicule, nous ne ferons que contempler la vallée du belvédère du Visitor
Center, trop de monde pour nous mais la vue d’ensemble est exceptionnelle.
L’esprit des western de John Ford est bien présent et tout ici est à la mémoire
de John Wayne.
Tout cela est très beau mais l’eau nous manque, difficile me
direz-vous d’en trouver dans ces coins désertiques ? Eh bien non puisque
le Colorado n’est pas loin et qu’en 1966 fut inauguré le barrage de Glen Canyon
créant de ce fait un lac nommé « Lake Powell » en l’honneur du
premier découvreur du cours du Colorado qui l’explora en 1869. Ce lac est
immense, il totalise 3140kms de rivage car empruntant de multiples canyons
sinuant sur 300kms, c’est le deuxième plus grand lac artificiel des USA avec
655km².
Aujourd’hui l’avenir de ce barrage se pose car sa production n’est pas
suffisante, il sert uniquement d’appoint à une énorme centrale au charbon qui
défigure le magnifique paysage du lac et de plus il empêche l’écoulement
naturel du sable charrié par le Colorado et la San Juan River posant de graves
problèmes écologiques. Quoiqu’il en soit le lieu est très touristique et pour
une fois nous installerons Hervé carrément sur la plage à 15m de l’eau du lac,
on paie 10dollars au National Park et on s’installe comme beaucoup d’autres au
bord de l’eau, spectaculaire mais bonjour la promiscuité ! Heureusement
qu’à 22h toute nuisance sonore est
interdite.
La courbe parfaite du Colorado au Horseshoe Bend |
Le 17 septembre nous poursuivons notre descente du Colorado
en allant l’admirer au Grand Canyon National Park. Encore une étape
incontournable dans cette découverte du grand ouest américain et il est vrai
que ce sera un très bon souvenir. Quelques chiffres tout d’abord : sa
route du sud de l’Utah au nord du Colorado fait 445kms, il peut atteindre 1829m
de profondeur et fait 29kms dans sa largeur maximale. Son canyon est composé de
plusieurs paliers comme vous pouvez le voir sur les photos et du haut du
plateau on ne le voit qu’à très peu d’endroits.
Le parc est très bien organisé
avec de nombreux « Lodges » hôtels recevant les touristes du monde
entier, il y a même une gare avec un train spécial qui y arrive, tout un
village avec une école pour les enfants des employés, des navettes de bus
gratuites sillonnent toutes les routes qui longent le canyon et permettent de
profiter du spectacle sur de nombreux kilomètres avec de fréquents arrêts.
Pour nous, pas question d’avoir fait autant de route sans voir la rivière au
fond du canyon, le 19 à 6h30 du matin
nous commençons notre descente du « Bright Angel Trail », sentier de
19kms A/R avec 933m de dénivelé, nous parviendrons au Plateau Point, endroit
qui surplombe le Colorado de 384m, on peut descendre plus bas mais cela se fait
obligatoirement sur deux jours et on n’est pas équipé pour le camping avec
tente. Malgré tout les Rangers donnent un temps moyen pour ce parcours de 8 à
12h, nous l’aurons fait en 6h et pas beaucoup de jeunes nous auront doublés,
après tout on se dit qu’on a encore de l’endurance.
Ceci dit une telle randonnée
vous permet vraiment d’admirer à sa juste valeur ces paysages majestueux uniques au monde et aux couleurs si
changeantes au gré des heures.
Sans transition, après les merveilles de la nature nous
roulons, toujours à travers des paysages désertiques qu’ont connu les pionniers
en empruntant la fameuse route 66, vers la cité du péché « Sin City »
surnom de Las Vegas. La route d’un National Park à un autre y passait, alors
cela justifiait un arrêt de 24h. Je ne vous détaillerais pas ce que tout le
monde connaît, l’enfer du jeu, les plus grands hôtels du monde, tout cela dans
une cité de deux millions d’habitants bâtie en plein désert et il fait chaud,
40° ce jour-là. Autant vous dire qu’on était heureux de trouver un camp en
plein centre, à dix minutes à pied du célèbre Strip où on s’est dépêché de
mettre la clim qui avait du mal à étaler au soleil de l’après-midi. De toutes
façons la température et le spectacle ne permettent que la sortie nocturne,
regardez les photos c’est dantesque, il faut le voir pour le croire.
Tout le
long du Strip sont reconstitués les principaux monuments qui font rêver :
pyramide de Gizeh, Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Palais des Doges, Empire State
Building etc… Avec des plans d’eau d’où sortent 1000jets d’eau comme au
Bellagio, tout cela fait pour attirer des milliers de joueurs, du délire à
l’état pur, l’Amérique dans toutes ses contradictions !
Vite de l’air pur après tout cela, une longue chevauchée de
650kms clim à fond nous fera traverser le désert de Mojave, vu la canicule nous
n’avons pas osé affronter les près de 45° de la Death Valley. Nous préférons
gagner des altitudes plus fraîches au Sequoia National Park en Californie. Ce
parc n’est pas très grand mais contient les plus grands et les plus anciens
êtres vivants de la planète, le « General Sherman » sequoia ainsi
nommé aurait entre 2300 et 2700 ans, 84m de haut, 11m de diamètre pour 1256
tonnes. Nous y ferons de belles balades pour admirer ces géants qui ne
produisent pour se reproduire que des pommes de pins de la taille d’un
œuf !
Passage ensuite dans la vallée située à l’ouest de la Sierra
Nevada où tout est contraste entre les collines chauves et jaunes et les
vergers s’étendant à perte de vue bien irrigués par des canaux recueillant et
distribuant l’eau de la montagne grâce à des arrosages goutte à goutte au pied
des plants, ce n’est pas pour rien que la Californie arrose de ses fruits et
légumes toute l’Amérique du nord.
Le 24 septembre nous entrons au Yosemite National Park par
l’entrée sud qui nous amène de suite au Mariposa Grove qui regroupe la majorité
des séquoias du parc, ils ne sont pas aussi anciens que ceux du Yosemite mais
ils sont aussi très beaux, c’est ici que se trouvait l’arbre tunnel de Wawona
dont le tronc laissait passer une diligence, malheureusement il s’est effondré
en 1969 suite à une charge de neige trop abondante pour sa base affaiblie par
ce tunnel.
Nous irons ensuite marcher au Sentinel Dome, comme son nom l’indique
c’est un dôme granitique tout arrondi culminant à 2476m, un sentier nous permet
de descendre à Glacier Point d’où on a une vue magnifique sur la Yosemite
Valley et les sommets environnants dont le fameux Half Dome qu’on peut gravir
par des escaliers creusés dans la roche en étant assurés par des câbles. Nous
nous estimons bons grimpeurs mais ce parcours représente 23kms A/R et nécessite
une autorisation spéciale par internet, donc ce sera pour une autre fois !
Le lendemain nous descendrons et pénètrerons dans la vallée
gardée par un impressionnant rocher appelé El Capitan, à pic de 900m, plus
haute falaise entière du monde. S’ensuit une vallée très plate parsemée de
prairies où coule la Merced River et où comme d’habitude le National Park a su
intégrer à la nature une multitude de logements, campings, restaurants tout
cela à l’abri des grands pins séculaires.
Tout cela doit être encore plus beau
au printemps à la fonte des neiges car de nombreuses chutes très spectaculaires
alimentent la rivière Merced. Nous monterons à la Vernal Fall, puis par 600
marches de granit à la Nevada Fall mais il n’y a plus qu’un mince filet d’eau
qui les alimente.
Nous sortirons du parc par l’est qui franchit la Sierra
Nevada à la Tioga Pass à 3031m nous offrant de splendides panoramas sur de
multiples dômes de granit gris clair tout chauves.
Ainsi se termine notre visite des parcs nationaux de l’ouest
américain, depuis le Yellowstone nous avons parcouru plus de 3300miles soit
environ 5200kms et l’on peut dire que nous avons été comblés, les américains
comme les canadiens d’ailleurs ont créé des outils formidables pour préserver
la nature, la végétation comme la faune y sont protégés et c’est magnifique de
pouvoir approcher un ours ou un cerf de très près sans qu’il prenne peur et
s’enfuie. Si nous avions les moyens financiers nous autres européens aurions
bien des leçons à tirer de ces exemples, malheureusement la conjoncture, le
temps, la relative étroitesse de notre territoire ne nous le permettront sans
doute pas, il nous reste l’écologie dont nous avons il me semble une plus
grande conscience que les nord-américains qui en dehors de leurs parcs la
sacrifie beaucoup plus que nous. C’est là un des nombreux paradoxes de ce
continent.
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