LES PROVINCES MARITIMES :
NOUVEAU BRUNSWICK – ILE DU PRINCE EDOUARD – NOUVELLE ECOSSE
Manque Terre Neuve, mais nous ne sommes pas allés si haut.
Nous passons la « frontière » entre le Québec et
le Nouveau Brunswick le 4 juin à Campbellton et tout de suite à l’office du
tourisme on nous dit d’avancer nos montres d’une heure, nous changeons en effet
de fuseau horaire et le décalage avec la France ne sera plus que de cinq
heures.
Cette province est officiellement bilingue et au camp
provincial de Sugarloaf nous sommes agréablement accueillis en français, mais
en entendant notre hôtesse parler à son collègue en mélangeant l’anglais et le
français, on croirait entendre les anciens de Trévignon mélanger le breton et
la langue de Molière.
Nous sommes aussi ici en terre acadienne. Petit rappel
historique : en 1632 une quarantaine de familles poitevines débarquent
dans la baie de Fundy et y trouvent des terres fertiles. En 1755 l’Angleterre,
qui avait récupéré auparavant les provinces maritimes, expulse les acadiens de leurs terres, ce fut
« Le Grand Dérangement ». 6000 d’entre eux seront prisonniers en
Angleterre ou déportés en Nouvelle Angleterre. 2000 à 3000 autres se réfugièrent
dans les tribus indiennes, sur les côtes du Nouveau Brunswick ou en Gaspésie.
Aujourd’hui on en retrouve disséminés un peu partout dans ces provinces
maritimes et bien qu’ils aient été « lâchés » à l’époque par la
France, on éprouve quand même un certain pincement au cœur en voyant partout où
ils résident arborer fièrement notre drapeau national, peindre en bleu, blanc,
rouge la base de tous les poteaux électriques à la seule différence : ils
ont mis une étoile jaune dans le bleu. Cela me permettra d’y trouver une plaque
d’immatriculation tricolore à laquelle j’enlèverai l’étoile et que j’arbore sur
mon pare-chocs avant puisqu’en Floride comme dans beaucoup d’autres états
américains ou provinces canadiennes les voitures n’ont une plaque qu’à l’arrière,
permettant ainsi de personnaliser l’emplacement de l’avant.
Notre deuxième étape sera cette péninsule acadienne au
nord-est, la région de Caraquet et des îles de l’Acadie. Sur la route côtière,
nous constatons qu’il y a une grande différence avec le Québec, on sent le pays
moins prospère à travers la campagne et l’habitat. J’apprendrai plus tard que
cette province est l’une des plus pauvres, curieusement les villages acadiens
sont plus coquets que leurs homologues anglophones, le propriétaire du camping
de Caraquet me dira que la majorité des acadiens vivent de la mer, les
anglophones de la terre et comme de ce côté-ci les terres sont relativement
pauvres, ceci explique cela. Cette même personne me dira une formule choc, lui
signalant une fuite d’eau importante et continue à un tuyau, il n’était pas
surpris et ne s’est pas précipité pour la colmater, lui faisant remarquer qu’en
France le coût de l’eau comprend la fourniture et son traitement une fois
utilisée, il me dit : « le Canada est une terre d’opulence ».
Apparemment, à voir dans tous les
campings les lumières des sanitaires tous allumés 24h/24, l’électricité est
tout aussi opulente et bon marché !
Ici la flotte de pêche est impressionnante, surtout des
caseyeurs et nous sommes en pleine période de pêche du homard, autant vous dire
que nous en profitons allègrement . Il se vend à peu près 10 euros le kilo tout
cuit ce qui est bien pratique pour nous. Par contre on trouve très peu de
poissons frais, les phoques contribuant énormément à la raréfaction de la
morue, on est loin des étals de nos poissonniers !
Après Caraquet et une visite aux îles Lamèque et Miscou
reliées au continent par un pont, nous descendons plein sud par la « Route
du Littoral Acadien ». Après Miramichi et un bref passage au Parc National
Kouchibouguac nous repérons un peu plus bas un camping tenu par un français à
St Edouard de Kent, celui-ci est marié à une acadienne et est aussi
viticulteur…oui mais il fait un peu de vin de raisin et beaucoup de vin de
fruits ( bleuets, sureau, fraise ) il nous organise une dégustation, mais on ne
peut pas dire que ça nous emballe, tout est sucré même le vrai vin, il nous dit
que cela correspond au goût nord-américain, on en est bien conscients et lui
aussi puisqu’il présente à côté une collection de Cahors millésimé qu’on aurait
préféré déguster. Notre premier passage
au Nouveau Brunswick sera bref puisque le lendemain nous décidons de nous
rendre sur l’île du Prince Edouard.
Cette île est une province canadienne à part entière, on y
accède par un pont de 12,9kms qui est le plus long du monde. Elle fait 280kms
d’est en ouest et de 6 à 64kms du nord au sud, elle fut d’abord colonisée par
les français en 1720 mais cédée aux anglais en 1758, autant dire qu’à part
quelques villages acadiens, on n’y parle qu’anglais. L’agriculture y est très
présente, les fermes sont de taille impressionnantes avec un énorme parc de
tracteurs et engins agricoles car ici c’est le royaume de la pomme de terre,
les meilleures du Canada ; sans doute est-ce dû à une terre rouge et sablonneuse qui contient
de l’oxyde de fer. Son autre ressource en plus du tourisme est la pêche, huit
millions de kilos de homards y sont capturés chaque année !
C’est dans sa capitale, Charlottetown qu’en 1864, 23
délégués des provinces de l’Amérique du Nord britannique envisagèrent pour la
première fois l’idée d’une confédération. D’où le nom du fameux pont
d’accès : Pont de la Confédération.
Nous y resterons trois jours, ce sera surtout vous l’aurez
deviné le littoral qui aura notre faveur, les petits ports de pêche aux cabanes
colorées et la côte nord bien protégée des constructions par les parcs
provinciaux, mais pas de l’érosion car ce grès rougeâtre se désagrège et les
pins tombent les uns après les autres dans la mer. Par contre au nord-est, la
péninsule de Greenwich appartenant aussi au parc national recèle une magnifique
plage longue de 6kms derrière laquelle émerge une immense dune qui bien
évidemment change de forme au gré des tempêtes hivernales
.
Nous quitterons cette île le 10 juin en fin d’après-midi,
non pas par le fameux pont mais par un traversier nous amenant directement à
Pictou en Nouvelle Ecosse, nous épargnant ainsi un détour de 200kms.
Après 1h15 de traversée nous débarquons au port de Caribou,
tout près de Pictou où en 1773 une poignée d’écossais des Highlands
débarquèrent de l’Hector dont une fidèle réplique est amarrée aux quais. Ici
nous nous sentons un peu plus en territoire celtique et la ville affiche à
chaque lampadaire les différents tartans des clans présents. Je ne sais pas si
c’est mon Gwen Ha Du pendant à mon rétroviseur marquant ainsi mon appartenance
au peuple celte, mais le propriétaire du camping local un certain Mac Donald
m’annonce la gratuité de ma nuit, sympa la Nouvelle Ecosse !
Une réplique d'"Hector" est amarrée aux quais de Pictou |
En fait, le but ultime de cette virée dans les Provinces
Maritimes est l’île du Cap Breton, normal pour un breton. Et on ne sera pas
déçus. Donc route dès le lendemain pour cette île séparée de sa province par le
pont de Canso. Nous commençons notre visite par la côte ouest en suivant la
« Ceilidh Trail », autrement dit la « route Gaélique », en
fait comme en Bretagne chaque village a son nom écrit en anglais ou français
pour les acadiens et en gaélique.
A partir de Chéticamp, bastion acadien, la route prend de la
hauteur pour faire le tour de la partie nord de l’île. Elle se nomme
« Cabot trail » en l’honneur de John Cabot, en réalité Giovanni
Caboto, génois au service du roi d’Angleterre qui aurait découvert l’île en
1497. Cette route nous fait découvrir des panoramas exceptionnels, on monte et
on descend de vallées en plateaux avec toujours le bleu de la mer en toile de
fond, tout cela au sein d’un parc national, donc très protégé. Malgré tout, à
part un orignal bien caché derrière des troncs de bouleaux, nous ne verrons pas
d’autres animaux remarquables ; heureusement qu’on a fait le plein en
Gaspésie. Le 13 juin nous atteindrons l’extrémité nord qui ne s’appelle pas Cap
Breton mais Cape North, « déçus que nous sommes » ! Non je
plaisante, cette péninsule est magnifique, on commence par le port de pêche de
Bay St Lawrence étonnant abri naturel et
on continue une piste de terre jusqu’à Meat Cove d’où l’on surplombe les
pêcheurs qui relèvent leurs casiers à homard dont les flotteurs et leurs bouts
sont tellement denses que l’on se demande comment ils font pour les récupérer
lorsque la mer est mauvaise.
La descente par la côte Est sera différente, le littoral est
plus bas, les rochers plus ronds avec même des secteurs de granit rose. Nous
atteindrons doucement le Lac Bras D’or, véritable mer intérieure de 1100km² qui
communique avec l’Atlantique depuis le milieu du 19ème siècle par
l’écluse et le canal de St Peters. Mais il y a un autre lieu incontournable, la
forteresse de Louisbourg au Sud-Est.
Le lac Bras d'Or à Baddeck |
Si vous avez vu le film de Patrice Leconte « La veuve
de St Pierre », vous aurez eu un aperçu de ce que les canadiens ont
réhabilité, car ce film y a été tourné. La reconstruction a demandé 20 ans et a
coûté 25 millions de dollars au gouvernement fédéral, le résultat est à la hauteur
et nous français pouvons lui dire merci car c’est la reconstitution fidèle de
ce qui fut sous Louis XIV et Louis XV la forteresse protégeant le troisième
port de commerce de l’Amérique du Nord.
Ce fut la tête de pont en Amérique de la Nouvelle France,
elle fut bâtie en 1713 et comptait 2000 habitants en 1744. Malheureusement nos
ennemis héréditaires, la perfide Albion nous la ravirent en 1745 après 40 jours
de siège et la rasèrent totalement. On mesure à sa juste valeur le travail réalisé par le gouvernement canadien.
Ce ne sont pas simplement des fortifications de Vauban, mais
un ensemble de maisons reconstituées fidèlement jusque dans leur intérieur et,
un peu comme au Puy du Fou, les habitants de Louisbourg y travaillent la journée
habillés en costume du 18ème siècle et reprenant les métiers de
l’époque, ils répondent à vos questions comme si on était des visiteurs de
1744. On peut même y manger à l’hostellerie les plats de ces années- là.
Les soldats français en costume d’époque tirent au fusil et
font tonner le canon avec les roulements de tambour appropriés, on s’y
croirait.
La suite de notre virée dans cette province nous verra
visiter la capitale, Halifax où les anglais avaient eux aussi construit une
citadelle dès 1749, celle qu’on visite en est la quatrième version et était
tellement bien fortifiée qu’elle ne fut jamais attaquée. Notre jour de visite
coïncidait avec le 200ème anniversaire du conflit de 1812 avec les
américains et on a eu droit à des salves de tirs et à midi au traditionnel coup
de canon, dommage qu’il était chargé à blanc car il aurait pu démolir le peu
esthétique building situé juste en face et qui enlaidit la vieille ville au
demeurant malgré tout bien agréable.
A 35kms de là nous sommes très surpris de trouver un petit
port bien entouré de rochers de granit ronds avec un phare lui aussi posé sur
le granit, non ce n’est pas une réplique de Trévignon mais presque, il s’agit
de Peggy’s Cove et sur le quai nous découvrons des pêcheurs affairés à découper
un énorme thon, regardez les photos ! Plusieurs petits ports très
sympathiques jalonnent cette côte atlantique très découpée avec des îles et des
mouillages très abrités : Mahone Bay et Lunenburg où la goélette Bluenose II se
refait une santé, c’est un bateau emblématique qui figure sur les plaques
d’immatriculation de Nouvelle Ecosse et sur les pièces de monnaie canadiennes
de 10cents.
Peggy's Cove |
Notre dernière escale dans cette province sera les Five
Islands sur la côte sud de la baie de Fundy où les marées du monde ont la plus
forte amplitude : 18m. Mais l’endroit le plus spectaculaire pour le
constater se trouve de l’autre côté de la baie, au Nouveau Brunswick où nous
arrivons le 21 juin.
Retour donc dans cette province par l’Ouest cette fois, tout
près de Moncton où nous arrêtons pour voir le mascaret, on s’attendait à une
vague similaire à celle que notre fils Yves surfe sur la Dordogne mais elle ne
faisait que 30cms environ, assez étonnant quand même de voir cette vague
précéder une montée très rapide de ces eaux boueuses de couleur ocre-rouge. A l’embouchure
de cette rivière dans la baie de Fundy on trouve les « Hopewell
Rocks » énormes stalagmites de grès rouge coiffées de conifères 18m plus
haut dont on peut faire le tour à pied sec à marée basse et à marée haute en
faire le tour en kayak.
Nous finirons cette virée dans les Provinces Maritimes par
le parc national de la Baie de Fundy et le charmant petit port de Alma, marches
et homard au programme, les marées y sont spectaculaires mais je dois avouer
que celles dans l’Archipel de Chausey les valent largement. Ah ces bretons, on
se demande parfois pourquoi ils voyagent…
Voilà une nouvelle étape réalisée, nous repassons au Québec
pour une quinzaine de jours avant de mettre cap à l’Ouest, Calgary plus
précisément, au pied des Rocheuses canadiennes.
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